Des nuits d’enfer donc, passées à exploser des têtes, à arracher des bras, à casser des dents, à découper des pieds, à glisser sur des flaques de sang, encore et encore, tout en cultivant le secret espoir que le massacre à venir sera encore plus radical, plus jouissif, que celui du moment… Voilà qui ce qui me fait vibrer actuellement. Non, je ne suis pas un dangereux psychopathe. D’abord, il s’agit de légitime défense, ensuite, c’est du cinéma. Enfin, un jeu vidéo plus exactement. Left 4 Dead se propose de vous faire revivre les meilleurs moments des films dits de zombies, à savoir les scènes intensives et flippantes du genre, servies sur lit d’hémoglobine et petites pointes d’humour décalé, façon séries B.
Moteur !
Le jeu de Valve propose d’incarner, dans une des quatre campagnes disponibles, un survivant, épaulé par trois comparses. Dans chacun des scénarios, il faudra échapper à des hordes d’infectés, des zombies très agressifs et extrêmement rapides (façon 28 jours plus tard). L’équipe devra se tailler (littéralement) un passage vers la sécurité, à grands coups de crosses, de shotgun ou de calibre 45.
Pas de bons films sans une bonne distribution. Le directeur du casting a retenu quatre acteurs principaux pour incarner les survivants. Privilège de l’âge, on va commencer par Bill, l’ancien des forces spéciales, clope au bec et béret bien vissé sur le front, c’est un peu la voie de la sagesse, agrémentée à la bastos de M16 si nécessaire. Puis vient Francis, tout en muscles et tatouages, qui ne se balade sans sa Harley que parce que le tribunal l’a certainement rendue à son légitime propriétaire (avant d’envoyer notre héros faire un petit séjour en QHS). C’est le bourrin de la bande, forcément pas franchement fin, mais qui a bon fond (si !). Louis est le représentant des minorités, nécessaire à toute bonne production hollywoodienne, le black sympa de service, dont on comprend mieux l’enthousiasme débordant lorsqu’on veut bien se rappeler son récent passé de vendeur au Darty du coin (Wikipedia me souffle qu’il est en fait analyste dans le domaine de l’IT, ce qui n’est pas plus réjouissant). Reste Zoey, la seule fille de la bande, lycéenne fana de film d’horreur, qui devrait être moins insouciante à mon avis, car même si l’humanité parvient à triompher de l’infection, il restera à traiter l’aspect démographique du problème…
Silence…
Pourquoi les contaminés le sont ? Ça, comme moi, vous vous poserez certainement la question. Vous constaterez rapidement que ça n’a pas franchement d’importance, vu qu’ils sont là, carrément nombreux, et bien décidés à vous exterminer. Les zombies sont très réussis, et malgré leur nombre, on a l’impression que chacun est différent. L’infecté de base glande gentiment dans un couloir, une chambre, une rue, et n’est pas spécialement agressif tant qu’il ne vous a pas remarqué. Après, c’est une autre histoire, il se jette sur vous, quitte à défoncer une porte, à grimper sur un toit, à piétiner ses petits camarades, histoire d’être le premier à goûter à votre bidoche. Le bruit l’énerve et l’attire, et c’est régulièrement toute une petite armée que vous aurez à affronter. Heureusement, le zombie est entièrement démontable, et selon l’outil et la dextérité employé, on parviendra assez facilement à lui enlever une jambe ou un bras, voir à lui exploser la cervelle s’il continuait à faire son malin. Le problème, c’est qu’il faut bien recharger nos outils de temps en temps, et que, parfois, les munitions viennent à manquer. Il restera le coup de crosse pour repousser la horde, mais ça n’aura rien d’une promenade de santé, tant il en arrive encore et encore.
Comme si ça ne suffisait pas, il existe des infectés spéciaux, beaucoup plus fourbes, qui viendront régulièrement vous pourrir la vie. L’un vous étranglera gentiment avec sa langue préhensile (le Smoker), l’autre vous repeindra de gerbe, une sorte de phéromone gluante attirant la horde (le Boomer), qui accessoirement vous rendra aveugle pendant un court moment (que vous trouverez long), sans oublier le prédateur bondissant et ultra-rapide (le Hunter), qui après vous avoir jeté au sol, vous labourera joyeusement les tripes à grands coups de griffes. Ils seront, heureusement assez rarement, épaulés par une sorte de masse quasi-indestructible (le Tank), qui vous jettera des bagnoles et autres morceaux d’immeubles à la tête. Last, but not the least, la Witch. Elle a certainement paumé son doudou, alors elle chiale comme une madeleine, toute seule dans le noir. Le truc c’est d’éteindre les lampes-torches et de passer à coté, sur la pointe des pieds, car si vous la dérangez, vous constaterez qu’elle est du genre plutôt très violente lorsqu’agacée.
Action !
Il est évident que, seul, vous ne pourrez triompher de toutes ces embûches. Ça tombe bien, Left 4 Dead est un jeu coop. Il faudra couvrir vos petits camarades, les soigner, les chouchouter, et compter sur eux pour faire de même (à tout instant, l’interface nous renseigne sur l’état de santé des autres). L’équipe progressera de safe room en safe room, des places précédemment fortifiées par d’autres survivants, richement dotées en medikits et en munitions. Ces oasis, qui sembleront parfois lointaines, marqueront la fin de quatre des cinq chapitres que compte chaque film (campagne), le dernier étant consacré à un final plutôt enlevé, qui se caractérisera par l’attente d’un véhicule de sauvetage, dans un lieu plus ou moins fortifié. Inutile de préciser que l’attente sera particulièrement intense (mince, je viens de le faire).
La progression dans les maps alternera des phases d’explorations prudentes, parfois angoissantes, et des instants ou la violence se déchaînera, des moments extrêmement jouissifs et intenses, qui vous laisserons souvent « sonnés », tant vous aurez l’impression d’avoir été submergé par le nombre et la férocité de vos ennemis. Ce sera d’ailleurs parfois bien le cas, dans un premier temps, vous vous retrouverez au sol, avec la possibilité de continuer à défourailler gaiement, au pistolet uniquement, dans l’espoir que ce baroud d’honneur permettra aux copains de retourner la situation et de venir vous relever. Si trop de temps s’écoule sans qu’on ne vous vienne en aide, vous mourrez et passerez en mode spectateur. Pour un moment seulement, en effet, vous ne tarderez pas (trop) à réapparaître quelque part dans le décor, prisonnier d’une pièce. Il faudra qu’un survivant vienne vous libérer pour pouvoir poursuivre l’aventure. Si tout le monde y passe, retour à la safe room précédente, on prend les mêmes et on recommence.
Les décors sont de…
Du vieillissant Source, mais pour autant, c’est pas mal du tout. L’ambiance est très bonne, les éclairages travaillés, le rendu cinoche, grain et vignetage à foison, est plus que convaincant. Bref, c’est pas du tout jeune, mais graphiquement, ça tient vraiment la route (et ça tourne rond chez presque tout le monde). Les maps sont plutôt jolies, ponctuées de petits détails, de clins d’œil aux films d’horreurs, qui viennent servir l’ambiance et le scénario. Je pense par exemple aux véhicules dotés d’alarmes, qui attirent la horde si on les fait sonner, aux graffitis des autres rescapés (certains sont particulièrement drôles), aux affiches, aux enseignes, aux objets, bref, une foule de petits trucs très bien vu, qui renforcent l’immersion et participent au gameplay (on peut notamment casser et faire exploser tout un tas de choses). Le level design est très malin, on a un bon sentiment de liberté sans jamais avoir l’impression d’être paumé. Du beau boulot.
Le design des personnages principaux est plutôt sympatoche, bien qu’un peu trop consensuel à mon goût (je préférais les premières approches du studio, plus radicales).
Les voix et les nombreuses phrases lâchées en court de jeu par nos protagonistes participent bien à l’ambiance. Au passage, la version française est plutôt réussie (hormis dans l’intro du jeu), l’habillage sonore et la musique sont parfaitement maîtrisés.
Pour ce qui concerne le look des infectés, les spéciaux sont bien balancés (mention spéciale pour la Witch) et les « communs », très convaincants. Ces derniers sont toujours sapés en adéquation avec le lieu (en malade dans l’hôpital, en pilote à l’aéroport, etc.) et assez classement animés (il arrive même qu’ils se foutent sur la tronche entre eux).
Les armes proposent de très bonnes sensations, sont très précises, et j’avoue avoir un faible pour le fusil à pompe, semi-auto, qui fait des ravages, encore que pas toujours dans le camp d’en face… Il est aussi possible de s’essayer à la mitrailleuse sur pied, au M16, au Uzi, au double 45, au fusil de précision et aux lancés de cocktails Molotov et autres bombes artisanales (ces dernières émettent un signal sonore qui attirent la horde). On en voudrait plus, mais c’est déjà largement suffisant, d’autant que parfaitement équilibré (mais bon, une petite tronçonneuse, hein, j’dirais pas non).
AI Director
C’est le nom que donne Valve à l’intelligence artificielle qui gère le jeu. Moi, ça me faisait bien sourire, genre bonjour le marketing pipo, l’IA qui s’adapte à la façon de jouer, qui renouvelle l’expérience et tout, ouais, bien sûr… Fable que tout cela (rhôoo). Hé bien, à ma grande surprise, ça marche, et pas mal du tout. Le réalisateur s’attache à modifier les endroits d’où déboulent les infectées, la fréquence à laquelle les hordes vous tombent dessus, la quantité d’opposants, les lieux ou apparaissent les armes et les soins, etc. Ce qui fait qu’on ne refait jamais exactement la même partie, même si on peut constater quelques similitudes ça et là, on est souvent surpris, parfois même, bien attrapé. Du coup, les meilleurs plans se déroulent rarement sans accrocs, c’est du bel ouvrage.
Notons qu’on peut parfaitement jouer en solo, accompagné par des bots. Qui se débrouillent fort bien (ils sont même très serviables et d’une précision redoutable), même si, forcément, ils manquent un poil d’initiative et de fantaisie, ce qui fait que Left 4 Dead ne prendra tout son intérêt qu’avec ses semblables, plus ou moins humains (et un micro-casque).
Double feature
Oui, comme lorsque vous vous rendiez, en meule ou en stop, selon vos moyens de l’époque, à la salle des fêtes du village voisin, pour le 2ème festival du film d’horreur local, organisé par la MJC, avec le concours du Shopi de l’avenue du Général Leclerc. Deux films pour le prix d’un, et avec un peu de chance, une fille venait se blottir dans vos bras et… Bon, deux films pour le prix d’un, ok. Hé bien, là, c’est un peu pareil. Left 4 Dead propose un mode Versus, ou vous pourrez incarner les infectés spéciaux (sauf la Witch), et tenter de botter les fesses des survivants. Remarquez que c’est encore plus difficile que de jouer les gentils humains, qu’il faut très bien se coordonner, et que seules les deux premières campagnes sont jouables dans ce mode, en tous cas, pour l’instant. Ce qui n’est pas bien grave, car il y a largement de quoi faire, et que le versant coop du jeu me semble bien plus intéressant (cela étant, je n’ai pas encore beaucoup joué en Versus).
The End
On peut faire quelques reproches, bien sûr. La gestion des serveurs, par exemple, était particulièrement catastrophique à la sortie du jeu. Cela a été arrangé, très rapidement. Il y a parfois quelques problèmes de gestion de collisions ou de z-buffer, mais rien de franchement dérangeant (une fois, j’ai eu des textures roses, mais ça a l’air d’avoir été corrigé).
On peut craindre l’aspect répétitif de la chose. Je dirais que l’IA fait tout pour éviter ça, et que ça fonctionne plutôt pas mal, puisque j’en suis à un peu plus de trois Call of Duty 4 de temps de jeu (je compte en COD4 maintenant, qui fait, par chez moi, environ 4 heures) et que je suis très loin d’être lassé, même après avoir dessoudé plusieurs milliers de zombies. Left 4 Dead, c’est aussi une auberge espagnole, on va y trouver ce qu’on y apporte. Les figurants, le décor et le réalisateur sont là, ils vous attendent pour vous faire vivre de grands moments, à vous de bien choisir vos compagnons, et de vous laisser porter. Comme lui par exemple (c’est maintenant connu, mais si vous étiez passez à coté…).
On peut aussi, du moins sur PC, compter sur une communauté toujours très active. Ici une map du centre commercial de Dawn of the Dead en court de fabrication, là, des serveurs dédiés aux noms bien choisis, ici d’autres serveurs, aux noms, eux-aussi, très évocateurs (là, le pourquoi de Gangbang Zoey). On peut parier sur des mods sympas à venir (j’aimerais assez Zoey avec un M16 en guise de jambe de bois, moi) et du contenu additionnel proposé par Valve.
Enfin bref, à mon sens, c’est une belle réussite, qui, sur un concept qui semble fort simple (et on aurait tort de s’y arrêter), propose en réalité pas mal de subtilités, qui font passer de très bons moments. Ici, on ne note pas les jeux, mais disons que sur axe donné, si Wii Music était à un bout, Left 4 Dead serait à l’opposé. 
Greg
Oùùùù essttttt Zoeyyyyy ????